Les Vitraux de Saint Martin        



Programme de 18 vitraux pour léglise Saint-Martin de Monthuchon en Normandie.




L’histoire de l’église de Monthuchon est à la fois celle de la coupure et de l’alliance. Elle est inscrite dans un territoire qui pourrait être un vitrail tant il est multiple.
Consacrée à Saint Martin qui partagea son manteau en deux pour l’offrir à un déshérité transi de froid, l’église est elle-même une jointure : son bâtiment séculaire des XVe et XVIe siècles porte les signes des remaniements qui la lient à différents moments de l’Histoire, notamment ceux des bombardements de la Seconde Guerre mondiale qui firent voler ses vitraux en éclats.
Dans le projet de remplacer ces vitraux par une œuvre pérenne valorisant le patrimoine communal, le travail de Jenna Kaës s’inscrit profondément dans la continuité de son héritage, à la fois par son processus de fabrication et sa symbolique.
La prise en compte du contexte de l’édifice est présente dans la réalisation des baies sous de multiples facettes. Au premier regard d’abord, par les figurations picturales du manteau de Saint Martin. Dans son volume ensuite, à travers la progression lumineuse qu’offre l’œuvre. Et de façon intrinsèque enfin, grâce aux techniques mêmes utilisées pour sa construction et son entretien.
En partie haute des baies sont évoqués des drapés colorés en lévitation, déclinaison du manteau que le saint découpa et qui est représenté sur l’unique vitrail ancien de l’église, conservé dans le projet.
Dans chaque partie inferieure des vitraux, une représentation stellaire est suggérée.
Jointure entre dehors et dedans, elle fait communiquer l’espace physique sanctifié et le ciel au-delà. Des sillages de comètes, autant de traits faisant envisager l’espace comme une machine à voir le monde qui le sonde et le surplombe.
Si le volume intérieur est pris de religiosité́, il s’expérience aussi en dehors dans le sentiment d’un lieu universellement habité. Ses verrières sont les liens qui donnent à voir à travers et au-dessus.
Certains fragments de cristal, nommés dichroïques, changent de couleur en fonction de l’intensité́ de leur ensoleillement. Sur les baies de la nef, des prismes en verre projettent des rayons de lumière diffractée dans le centre de la nef jusque sur l’autel. Ces projections de l’extérieur vers l’intérieur permettent de déployer des effets cosmiques mouvants et ouvrent le volume de l’église à celui, plus vaste, de l’espace autour.
L’œuvre accompagne l’ensoleillement général de l’édifice tout au long de la journée.
Ainsi, les baies les plus claires sont situées dans la nef, orientée est, et distribuent une lumière plus vive à mesure de la progression dans l’église, comme un acheminement vers l’impalpable. De la même manière, la tonalité́ des manteaux de Saint Martin, et par là leur présence, s’estompe graduellement à mesure de l’avancée dans l’espace. La sacristie, quant à elle, est volontairement traitée avec des grisailles plus sombres, pour en assumer le caractère intime et secret.
Le projet a également à cœur une ré-exploration des techniques propres au vitrail.
Si le travail des baies est proposé́ en volume à la manière de bas-reliefs verriers, l’utilisation de la grisaille traditionnelle, avec la technique de l’enlevé́, s’anime par la trouvaille heureuse de sa réaction au détergent pulvérisé. Quant à la dépose de verre chaud en relief et par goutte, elle permet d’ajouter de la gravité et de l’éclat aux drapés colorés.
L’inscription du projet dans le contexte de l’église de Monthuchon n’est pas seulement présente dans sa mise en forme, elle l’est aussi par son entretien simple. Les baies qui vieillissent en présentant des fêlures seront solidifiées par un fil de plomb. Une scission rappelant la symbolique du lieu dans la cohérence de son procédé de fabrication, permettant une souplesse de restauration qui, avec le temps, continuera d’enrichir le sens symbolique des baies
Les propriétés et la plasticité du verre ont dirigé les recherches menées en amont du dessin des baies. L’œuvre de Jenna Kaës est ainsi issu du cœur même de la matière, qui dirige l’œuvre vers sa forme finale, un alliage toujours en mouvement, toujours découpé et toujours réuni. Par sa matérialité, son symbolisme, et l’expérience de sa lumière dans l’espace, il perpétue l’héritage séculaire de Saint Martin, dont le manteau découpé se facette et se retrouve, un et multiples, dans chacun des vitraux.

Julien Magalhaes, auteur



materials_ Fused glass, lead paint, cristal 
production_ Atelier Gamil, Ateliers Duchemin, Héléna Coudray architecte du patrimoine
pictures_ Emile Barret
︎ 2021



Jenna Kaes - 2021 – création originale de vitraux contemporains dans l’église Saint Martin, œuvre conçue à la demande de la commune de Monthuchon dans le cadre et avec le soutien de la commande publique du ministère de la Culture